mardi 19 avril 2016

LA CULTURE CHINOISE, ÇA SE MÉRITE : THE ASSASSINE DE HOU HSIAO HSIEN

Amateurs de films d’arts martiaux, s’abstenir..... même si l'on assiste a deux trois combats (admirablement filmés, mais fort brefs) le sujet n’est pas là où on pourrait l’attendre.
En première lecture, il s'agit pour l'héroine, Yinniang, fraichement sortie de sa formation aux arts martiaux, de tuer son rebel cousin, (à qui elle aurait du être mariée) , lequel est en révolte contre le pouvoir de l'empereur Tang. Si elle y réussit,   elle sera digne d'entrer dans la secte des assasins.
En réalité, et en deuxième lecture, il s'agit, pour moi, de bien autre chose....... 
Au royaume de Weibo : l'héroine Yinniang (Shu Qi)- doc pris sur le net.
Primé au Festival de Cannes, ce  film Taiwanais de Hou Hsiao Hsien  est
inspiré d'un "chuanqi " 传奇 de l'époque Tang, (l'oiseau bleu et le miroir*). C'est important a savoir.
 Il a été tourné dans des paysages naturels, d'une beauté à couper le souffle : en Mongolie intérieure et dans le Hubai.
J'ai fait de nombreuses recherches pour savoir ce qu'était un Chuanqi et l'histoire de l'oiseau bleu et du miroir si connue en Chine. Cela m'a conduite sur un site intéressant. dont je vous indique la page :

et je vous engage, si vous le voulez bien,  à le lire aussi.

Ce site autorise la citation. Il nous parle de "l'image dans le miroir". Je vous cite un petit fragment de cette page ou il développe ce thème et où il nous raconte le mythe de Narcisse....... oui, vous avez bien lu......
Après l'avoir parcouru, vous me direz s'il n'y a pas une certaine analogie avec ce "chuanqi" de L'oiseau bleu...... Je gage que vous allez la trouver !
L'extrait : ...."Narcisse, dont le nom provient du grec ancien signifiant « narkê » ou « sommeil », faisait l’objet d’un culte vers la fin de l’âge de bronze. Il existe même, en Grèce, un tombeau de Narcisse de l’Érétrie. Ce Narcisse est aussi appelé le Silencieux, ce que l’on pourrait qualifier être notre âme qui observe en silence, mais qui est séparée du corps par le voile que représente le miroir.…… "
Pour ma part, ce n’est pas tant l’histoire qui m'intéresse mais la façon dont le cinéaste l'a construite. Il me semble qu'il veut nous emmener au delà du visible,  nous faire toucher à la subtilité psychologique du personnage principal  tout en nous proposant une séance de pure poésie. D'ailleurs n'est ce pas une femme "oiseau", que l'on voit apparaitre soudain, ici et là et qui observe en silence ce qui se passe.

Durant toute la projection de cette oeuvre, j'ai ressenti une respiration aisée.......Pour avoir beaucoup parcouru les bois et la nature,  à toutes heures, je peux vous affirmer que la bande son - dans les moments où l'oeil entre dans les  paysages - la bande sons dis-je  m’a donné une vraie impression de déjà ressenti. Je me suis retrouvée soudain  immergée en pleine nature :  silence habité, air vif, cerf qui brame, oiseaux...... feuilles qui bruissent dans le vent, eau qui coule....et pas qui foulent les feuilles...... je sentais presque les odeurs et la fraicheur de l'humus.
 Un autre aspect m’a touchée profondément : ce ne sont pas tant les magnifiques costumes, ni les superbes coiffures, dont on est content de les voir portés, ni tout ce protocole de cour qui donne une idée du faste de l'époque, mais, et surtout, c'est "l’intériorité" des personnages traduite par les plans fixes,  et  les  non dits.....  Le rythme surprenant de ce film en est le souffle, d'ailleurs, le vent est souvent présent, dans bien des séquences.
la princesse Jiacheng
raconte l'histoire de l'oiseau bleu tout en jouant de la cithare.
Le temps s'y déroule dans une autre dimension toute empreinte de la subtilité des sentiments qu’éprouvent les protagonistes, et surtout, de l'interrogation du personnage principal, Yinniang,  toute à la recherche de son calme intérieur dans le monde du réel qui l'écartèle.

Pour avoir durant ces dix dernières années, lu, médité et surtout calligraphié (bien humblement et avec mes amies) plus d'une soixantaine de poésies chinoises - goutte d'eau dans un océan -  parmi lesquelles un grand nombre datent de l’époque Tang, et de l’époque Song,   je conçois aisément que la compréhension  de la dimension poétique et philosophique de ce film (qui nécessitent une solide immersion dans cette culture) puisse échapper au "grand public" français non averti. Moi même,  je ne fais que “survoler”   le sujet.

Hélas : ....Pas plus de 4 ou 5 personnes dans la salle.......



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